PHOTOÉLECTRIQUE (EFFET)

PHOTOÉLECTRIQUE (EFFET)
PHOTOÉLECTRIQUE (EFFET)

On désigne sous le nom d’effet photoélectrique tous les phénomènes électriques qui sont provoqués par l’action de la lumière sur la matière. L’absorption de lumière par un solide peut entraîner l’éjection d’électrons dans le vide ou dans le milieu qui est en contact avec lui: on parle alors d’émission photoélectrique. L’absorption de lumière peut également augmenter la conductibilité d’un corps: on parle alors de photoconductivité. Certaines chaînes de conducteurs éclairées de façon appropriée font apparaître des forces électromotrices d’où il résulte une transformation directe d’énergie lumineuse en énergie électrique: on parle alors d’effets photovoltaïques. Les effets photoélectriques sont le plus souvent observés dans les solides; ils peuvent cependant aussi concerner les liquides et les gaz.

Les trois effets que l’on traitera ici, émission photoélectrique, photoconductivité et effet photovoltaïque, ont en commun le processus primaire d’absorption de la lumière. Dans tous les cas, les photons qui transportent l’énergie lumineuse transmettent toute leur énergie à la matière et disparaissent. Ce sont les effets secondaires qui différencient les phénomènes observés. D’autres phénomènes sont parfois considérés comme des effets photoélectriques, par exemple l’effet Compton, les photodésintégrations nucléaires, la photo-ionisation des gaz, ou les événements primaires du processus photographique.

Les effets photoélectriques et, spécialement, l’émission photoélectrique ont présenté une grande importance historique dans la découverte du caractère particulaire de la lumière. Ils sont à la base d’applications techniques nombreuses qui vont de la simple mesure d’un flux lumineux à l’enregistrement d’une image en vue de sa transmission par les canaux de la télévision.

Émission photoélectrique

En 1887, la théorie électromagnétique semblait devoir rendre compte de toutes les propriétés de la lumière. Cependant, dans une expérience sur la production d’oscillations électriques, Heinrich Hertz s’aperçut qu’une étincelle jaillit plus facilement entre deux électrodes lorsque celle qui est polarisée négativement est éclairée par une lumière ultraviolette. Ce phénomène put être attribué, dès 1888, par Wilhelm Hallwachs, à l’émission de charges négatives que Philipp Lenard identifia en 1900 avec les électrons que l’on venait de mettre en évidence. Cette découverte de l’émission photoélectrique, et plus tard de ses lois, devait être l’un des arguments les plus forts qui conduisirent divers savants de cette époque, notamment Einstein, à reprendre le schéma corpusculaire utilisé par Newton pour décrire la lumière, mais délaissé à la suite notamment des travaux de Hertz.

Dans le cadre d’une conception purement ondulatoire de la lumière, l’émission photoélectrique ne pourrait commencer que lorsque des électrons ont accumulé suffisamment d’énergie pour vaincre les forces électriques de liaison qui les empêchent de traverser la surface du solide. En fait, l’expérience ne permit jamais de détecter aucun délai entre le début de l’éclairement et le début de l’émission d’électrons. Einstein fit disparaître cette difficulté en utilisant les quanta de Planck pour décrire l’interaction entre la lumière et les électrons. Une lumière de fréquence 益 est transportée par des photons d’énergie h 益 qui sont répartis au hasard dans le faisceau. Dès qu’un électron a absorbé un photon, son énergie passe de sa valeur initiale E0 à E0 + h 益 et il peut vaincre la barrière de potentiel qui le maintient dans le solide si E0 + h 益 a une valeur suffisante et si la vitesse de l’électron est convenablement orientée. Dans la théorie initiale d’Einstein, E0 est nul pour tous les électrons. L’énergie minimale, ou seuil photoélectrique, que doit apporter un photon pour éjecter un électron, est alors le travail que doit fournir l’électron pour vaincre la barrière de potentiel qui se confond dans ce schéma avec le travail de sortie 﨏. En raison de la relation qui lie cette énergie à celle des photons, la longueur d’onde doit être inférieure à une limite0 = hc 﨏 (où c est la vitesse de la lumière) pour provoquer une émission d’électrons.

L’énergie cinétique de l’électron après l’émission est donnée par la formule d’Einstein:

si cet électron n’a subi aucune diffusion inélastique. En fait, cette expression représente le maximum de l’énergie cinétique observée.

Une conséquence importante des idées d’Einstein est que le courant photoélectrique est proportionnel au nombre de photons reçus, c’est-à-dire au flux lumineux. Cette linéarité, vérifiée par tous les expérimentateurs dans les conditions habituelles d’éclairement, est à la base des mesures photoélectriques. Pour la mettre en défaut, il a fallu l’apparition des lasers qui permettent de produire des éclairements 1020 fois supérieurs aux plus petits éclairements détectables [cf. LASERS]. On caractérise, en général, un émetteur par son rendement quantique, rapport entre le nombre d’électrons émis et le nombre de photons reçus.

Le principe de Pauli et la statistique de Fermi conduisirent à modifier légèrement le schéma primitif d’Einstein. Au zéro absolu, tous les états sont occupés si leur énergie est inférieure à l’énergie de Fermi EF, et vacants dans le cas contraire. La formule d’Einstein déjà citée fournit toujours l’énergie maximale des électrons émis. Dans ce nouveau schéma, le travail de sortie 﨏 représente la différence entre les énergies totales (potentielle et cinétique) d’un électron, lorsqu’il est au niveau de Fermi et qu’il est sans vitesse en dehors du solide. Le travail de sortie se confond avec le seuil photoélectrique, sauf lorsque le corps comporte une bande interdite (semiconducteurs et isolants). Dans ce cas, le niveau de Fermi est inoccupé et le seuil photoélectrique correspond à une énergie supérieure au travail de sortie.

Si la température absolue n’est pas suffisamment faible, en raison de l’agitation thermique, quelques électrons possèdent une énergie supérieure à l’énergie de Fermi. Des photons d’énergie inférieure à 﨏 peuvent alors produire une émission photoélectrique, mais à température ordinaire cet effet est très faible et la chute du courant photoélectrique, quand h 益 tombe au-dessous de 﨏, est très rapide. Ralph Howard Fowler a calculé le rendement quantique 福 en fonction de la température absolue T et de la fréquence de la lumière:

où 見 représente la probabilité pour qu’un photon soit absorbé par un électron, A représente une constante universelle, k la constante de Boltzmann et 淋 une fonction universelle identique pour tous les corps.

La formule de Fowler repose sur une théorie trop simplifiée pour rendre compte de l’émission photoélectrique pour toutes les fréquences lumineuses, mais elle peut être appliquée aux métaux pour les fréquences voisines du seuil photoélectrique. À basse température, on peut utiliser un développement limité pour h 益 漣 﨏 礪 0, et on aboutit à:

Cette expression est valable, en première approximation, à température ordinaire.

La formule de Fowler est d’un usage très fréquent pour déterminer le travail de sortie à partir d’observations faites à température ordinaire.

L’interaction entre un photon et un électron obéit à des règles de conservation, de même que l’énergie totale d’un système isolé. Comme le photon apporte une quantité de mouvement négligeable, c’est le recul du solide qui fournit à l’électron la quantité de mouvement. Cela implique que le solide exerce une force sur l’électron. Cette force peut être due au potentiel électrique périodique créé par les ions; on parle alors d’un effet de volume . Pour rendre compte des propriétés électriques des métaux (conductibilité, effet Hall, etc.), on utilise un modèle où les électrons d’un métal ne sont soumis à aucune force dans l’intérieur du solide (modèle des électrons libres). Dans ce modèle, les électrons ne subissent de forces de la part du solide que lorsqu’ils rencontrent sa surface: ce sont les forces qui les lient au solide. Dans ce modèle, un électron ne peut donc absorber un photon que lorsqu’il rencontre la surface du solide. On parle alors d’un effet photoélectrique de surface .

Spectroscopie de photoélectrons

Dans les solides réels la surface et le volume du solide interviennent tous deux dans les caractéristiques des électrons émis. Depuis les premiers travaux de Spicer, de nombreux auteurs ont déterminé la distribution énergétique des photoélectrons afin d’en déduire la structure des solides qui les émettent.

L’interprétation des résultats peut le plus souvent être faite à l’aide du schéma à trois étapes (fig. 1).

Dans la première étape un électron d’énergie E inférieure au niveau de Fermi absorbe un photon d’énergie h 益 et passe ainsi dans l’état d’énergie E + h 益.

Dans la deuxième étape l’électron se propage vers la surface. Ce phénomène est perturbé de façon aléatoire par des interactions avec les autres électrons du solide. La distance que peut parcourir l’électron en conservant son énergie E + h 益 est appelée le libre parcours élastique.

Dans la troisième étape l’électron subit l’action de la surface. Pour atteindre le vide et participer au courant photoélectrique, l’électron doit avoir gardé en atteignant la surface une énergie suffisante pour traverser la barrière de potentiel qui maintient les électrons non excités à l’intérieur du solide. Une limite inférieure de cette énergie est l’énergie du vide , c’est l’énergie Ev de l’électron qui sort du solide avec une énergie nulle. Mais un électron d’énergie supérieure à Ev peut être réfléchi en raison du caractère ondulatoire de sa propagation.

Une partie des électrons ne subit aucune interaction dans la deuxième étape, leur énergie cinétique dans le vide est alors E + h 益 漣 Ev. À l’aide d’une optique électronique appropriée on peut mesurer cette énergie et, dans certains appareils perfectionnés, la direction d’émission de l’électron. Le schéma à trois étapes permet d’en déduire les caractéristiques de l’électron avant l’absorption du photon.

La spectrométrie de photoélectrons est pratiquée avec une source de lumière monochromatique pour que h 益 soit connu avec précision. Afin d’étudier les électrons des niveaux d’énergie profonds, on utilise des sources ultraviolettes (par exemple la raie h 益 = 21,22 eV de l’hélium) ou des sources de rayons X mous (par exemple la raie h 益 = 1 486,6 eV de l’aluminium). Les particules chargées possédant une vitesse voisine de celle de la lumière émettent un rayonnement électromagnétique (rayonnement synchrotron) lorsqu’elles sont déviées par un champ magnétique dans les grands accélérateurs et dans les anneaux de stockage. Cet effet est nuisible à la production des particules de haute énergie, mais le rayonnement synchrotron présente des caractéristiques uniques en raison de son intensité, de sa polarisation, de sa directivité et de la continuité de son spectre depuis l’infrarouge jusqu’aux rayons X. La spectroscopie de photoélectrons ne saurait à elle seule justifier la construction d’anneaux de stockage mais, avec d’autres utilisations, elle y contribue.

Pour la plupart des photoélectrons le libre parcours est de l’ordre de 10 size=19-10 size=110 m (il est plus élevé pour les électrons proches du niveau du vide dans certains émetteurs utilisés comme détecteurs de lumière visible et infrarouge). La spectroscopie de photoélectrons renseigne donc essentiellement sur la structure des couches atomiques superficielles. Ces couches reflètent avec quelques déformations les propriétés du solide massif si la surface est parfaitement propre. Mais il suffit d’exposer la surface à un ou des gaz sous une pression de l’ordre de 133 憐 10 size=13 Pa pendant une seconde, pour que la surface se recouvre d’une couche d’atomes adsorbés et que le spectre de photoélectrons fasse apparaître des raies caractéristiques. Toutes les expériences doivent être faites sous le meilleur vide possible (133 憐 10 size=17 Pa133 憐 10 size=19 Pa) ou sous une atmosphère à pression très réduite (133 憐 10 size=14 Pa133 憐 10 size=15 Pa) de composition rigoureusement contrôlée.

Émetteurs photoélectriques

La plupart des solides ne sont émetteurs photoélectriques que sous l’action de la lumière ultraviolette. Seuls les alcalins, et parfois les alcalinoterreux, présentent une sensibilité à la lumière visible. Tous les éléments sensibles à la lumière visible sont très électropositifs et très actifs chimiquement. En fait, même pour les éléments chimiquement inactifs, l’air introduit une pollution et il faut, pour obtenir des mesures reproductibles dans l’étude de leurs propriétés photoélectriques, les placer dans une cellule vidée d’air, parce que l’état de surface de l’émetteur joue, dans tous les cas, un rôle fondamental. La dispersion considérable des résultats montre les difficultés des mesures expérimentales.

La première cellule photoélectrique sensible à la lumière visible a été construite par Johann Philipp Elster et Hans Geitel dès 1890, mais la première photocathode moderne n’apparut qu’en 1930, constituée par un film mince de composition et de structure complexes, qui est obtenu à partir d’argent, d’oxygène et de césium (Ag-O-Cs). Cette photocathode est encore la plus sensible dans l’infrarouge et sa longueur d’onde limite se situe vers 1 300-1 500 nm, mais son rendement quantique ne dépasse guère 1 p. 100 pour les longueurs d’onde les plus favorables. P. Görlich découvrit, en 1936, la photocathode SbCs3 dont le rendement quantique atteint parfois 30 p. 100 dans le bleu, mais dont la longueur d’onde limite est située vers 650 nm. En 1955, Alfred H. Sommer découvrit la couche SbNa2K(Cs), qui possède le même rendement maximal que SbCs3, mais dont la longueur d’onde limite est d’environ 800 nm. Ces trois photocathodes sont les plus utilisées dans la pratique. Leur fabrication très délicate exige plusieurs évaporations successives de films minces, alternées avec des traitements thermiques en atmosphère contrôlée. Le rendement peut varier du simple au double pour deux photocathodes réalisées de façon apparemment identique.

La découverte de ces photocathodes a été le résultat d’une recherche conduite d’une façon empirique, mais on a pu, a posteriori, comprendre pourquoi le rendement photoélectrique de ces corps est très supérieur à tous les autres, et, en particulier, à ceux des métaux. En effet, un émetteur à haut rendement doit absorber toute l’énergie lumineuse, et un métal qui réfléchit une partie importante des photons ne peut présenter un rendement très élevé. En outre, dans un métal, une fraction importante des photons est utilisée pour amener des électrons à des niveaux d’énergie trop bas pour qu’ils puissent sortir du solide. Dans les semiconducteurs, l’existence d’une bande interdite permet d’exclure ce «gaspillage» de photons si l’affinité électronique est petite. Cette dernière est la différence entre l’énergie minimale que doit posséder un électron pour sortir du solide (niveau du vide) et l’énergie d’un électron dans le bas de la bande de conduction. L’expérience a montré que les photocathodes SbCs3 et SbNa2K(Cs), qui présentent les rendements les plus élevés, sont des semiconducteurs possédant effectivement une très faible affinité électronique. On a signalé des rendements quantiques de 30 p. 100, très proches du maximum théorique qui est de 50 p. 100, quand tous les photons sont absorbés et quand tous les électrons excités qui se dirigent vers la surface libre sont émis.

Scheer et Van Laar ont même réussi à réaliser des photocathodes à affinité électronique négative par dépôt d’oxyde de césium sur de l’arséniure de gallium. Cela constitue un cas idéal pour la détection de la lumière car l’électron, amené par un photon dans la bande de conduction, retombe assez rapidement dans le bas de celle-ci mais y reste bloqué. Puisque ce niveau est au-dessus du niveau du vide, l’électron peut parcourir de très grandes distances en conservant une énergie suffisante pour traverser la barrière de potentiel superficielle. L’épaisseur utile des photocathodes peut alors atteindre des valeurs de l’ordre du micromètre.

On peut remarquer que toutes les photocathodes contiennent du césium; comme l’élément lui-même, les composés de ce corps possèdent en général une affinité électronique faible qui permet souvent d’obtenir un seuil photoélectrique particulièrement bas.

Émission photoélectrique et mesure des flux lumineux

Le montage le plus simple qui permet une mesure des flux lumineux est composé d’une cellule vidée d’air contenant deux électrodes: l’une, la photocathode, est constituée par la couche mince photoémettrice; l’autre, l’anode, a pour rôle de recueillir les électrons émis. Entre l’anode collectrice et la photocathode, on établit une différence de potentiel positive suffisante pour que tous les électrons émis soient recueillis par l’anode; on dit alors que la cellule est saturée. Un galvanomètre ou un amplificateur permet la mesure du courant qui est proportionnel au flux lumineux reçu par la photocathode. Si la différence de potentiel est insuffisante, une partie des électrons émis est refoulée vers la cathode et le courant n’est plus proportionnel au flux. La tension nécessaire pour saturer une cellule dépend de la forme des électrodes et se situe souvent autour de quelques dizaines de volts. Si la différence de potentiel appliquée à la cellule est négative (potentiel retardateur), les électrons émis par la photocathode avec une énergie insuffisante ne peuvent atteindre l’anode. En mesurant les variations du courant qui passe dans la cellule ainsi que le potentiel retardateur, on détermine la répartition énergétique des photoélectrons. Cette méthode a été utilisée, en particulier par Robert Millikan, pour vérifier la formule d’Einstein sur la vitesse maximale des photoélectrons. Lorsque les flux lumineux sont importants, les principales causes d’erreurs sont les imperfections des montages. Si les flux sont faibles, on est limité par la structure granulaire du courant photoélectrique. Si l’arrivée de N photons a produit pendant la durée de l’expérience l’émission de n électrons, l’éclairement correspondant ne peut être mesuré avec une précision relative meilleure que 1/ 連n = 1/ 連 福N. Il importe donc de réaliser, pour la photométrie, des cathodes présentant un rendement quantique 福 élevé.

Les amplificateurs qui multiplient les courants photoélectriques pour les rendre mesurables introduisent des fluctuations, sources d’erreurs d’autant plus grandes que le courant initial est plus petit. Pour détecter les flux les plus faibles, on utilise des tubes photomultiplicateurs . Un électron provoque, lorsqu’il heurte une cible solide, l’émission d’électrons dits secondaires. Le nombre moyen d’électrons secondaires résultant du choc d’un électron dépend de la cible et de l’énergie des électrons. Ce nombre peut être supérieur à l’unité; il est, par exemple, de l’ordre de 2 pour une cible en Ag-Mg et pour des électrons à 100 volts. Dans un tube photomultiplicateur (fig. 2), on bombarde une cible, appelée dynode , avec les électrons émis par la photocathode et accélérés sous une différence de potentiel convenable. Les électrons secondaires émis par cette première dynode bombardent à leur tour, après avoir été accélérés, une seconde dynode qui émet d’autres électrons secondaires. Le processus se poursuit ainsi avec multiplication du courant sur chaque dynode. Le nombre de dynodes n’est limité que par la complexité du tube et peut atteindre 20. On ne dépasse pas cette valeur car, en multipliant le courant photoélectrique par plus de 220, on ne ferait que révéler les fluctuations dues à sa structure granulaire. Il a été possible, grâce aux photomultiplicateurs, de compter les impulsions de courant dues à des photons individuels, ce qui apporterait, s’il en était besoin encore, une preuve définitive de la validité des théories quantiques de la lumière.

L’émission photoélectrique, quelque peu concurrencée aujourd’hui par la photoconductivité, joue un grand rôle dans la télévision. Elle permet l’analyse d’une image en mesurant successivement les éclairements de ses différents points. Les caméras de télévision qui réalisent cette opération sont des instruments complexes; on notera seulement que si l’on ne recueillait les photons que pendant la fraction de temps où l’on transmet les informations relatives à un point de l’image, le flux lumineux effectivement utilisé serait divisé par le nombre de points d’analyse, soit environ 106. Pour obtenir une bonne image avec un niveau d’éclairement raisonnable, la caméra enregistre les photons reçus par l’ensemble de l’image pendant toute la durée nécessaire à son analyse. À l’instant où elle transmet l’éclairement d’un point, elle transmet, en fait, son éclairement moyen pendant cette durée en éliminant les fluctuations dues au petit nombre de photons recueillis.

Photoconductivité

Technique de la photoconductivité

La photoconductivité a été découverte en 1873 par W. Smith, mais elle n’a pas pris la même importance théorique que l’émission photoélectrique lors de l’établissement de la théorie des quanta. Son intérêt apparut d’abord sur le plan technique pour détecter la lumière, en concurrence avec la photoémission dans le domaine visible, et pratiquement sans concurrence dans l’infrarouge de 2 猪m à 300 猪m. La photoconductivité n’est observable que pour une classe restreinte de corps, les semiconducteurs. La conductivité d’un corps peut s’écrire:

où 福n et 福p désignent respectivement les densités d’électrons libres et de trous, 猪n et 猪p leurs mobilités, e la charge élémentaire. Dans un métal, le nombre de porteurs mobiles, en général des électrons, est très important et sensiblement indépendant de l’éclairement. Dans un semiconducteur maintenu à l’obscurité, si la température est assez basse (la température ordinaire peut suffire dans certains cas), 福n et 福p sont très faibles et 靖 est négligeable. Un éclairement crée des porteurs et fait apparaître une photoconductivité. On considérera d’abord le cas d’un semiconducteur intrinsèque exempt d’impuretés. L’absorption d’un photon d’énergie h 益 fait passer un électron de la bande de valence à la bande de conduction. On voit donc apparaître un trou positif dans la bande de valence et un électron libre dans la bande de conduction, qui contribuent tous deux à la conductivité (fig. 3). Pour produire cet effet, un photon doit posséder au minimum une énergie égale à la largeur de bande interdite Eg qui constitue donc le seuil photoélectrique. La plus grande longueur d’onde détectable est ainsi hc /Eg , soit 0,55 猪m pour CdS, 0,91 猪m pour GaAs, 0,97 猪m pour Si, 1,6 猪m pour Ge et 7 猪m pour InSb.

Pour aller plus loin dans l’infrarouge, on utilise des semiconducteurs dopés. Dans les semiconducteurs négatifs, ou n , on a introduit des impuretés qui possèdent un électron de plus que les atomes normaux du semiconducteur et créent des centres donneurs dans la bande interdite Eg . Ces centres peuvent transmettre un électron à la bande de conduction si un photon leur fournit une énergie suffisante. Dans le cas des semiconducteurs p , des impuretés, qui possèdent un électron de moins que l’atome normal, acceptent des électrons de la bande de valence en y créant des trous positifs. Le seuil photoélectrique dans les semiconducteurs n est la distance Ed du niveau donneur à la bande de conduction et, dans les semiconducteurs p , la distance Ea du niveau accepteur à la bande de valence. Les longueurs d’onde limites détectables sont ainsi 11 猪m pour Ge dopé à l’or, 40 猪m pour Ge dopé au Zn, et on descend même jusqu’à quelque 0,5 mm avec InSb dopé (cf. infra ).

Courant d’obscurité et utilisation de la photoconductivité pour la détection de la lumière

La conductivité d’un semiconducteur non éclairé n’est nulle qu’au zéro absolu et l’agitation thermique peut susciter l’existence de porteurs par les mêmes mécanismes que l’absorption de photons. La mesure d’un flux lumineux par photoconductivité est effectuée en plaçant l’élément semiconducteur sous tension et en mesurant l’augmentation du courant due à l’éclairement. Cette mesure peut être rendue très sensible en modulant le faisceau lumineux et en amplifiant la composante du courant qui est en synchronisme avec la modulation. Mais, de toute façon, la détection du courant photoélectrique est d’autant plus facile que le courant d’obscurité est plus faible. En effet, tout courant fluctue autour de sa valeur moyenne avec une amplitude qui augmente avec cette valeur. Si on désigne par h0 le seuil photoélectrique du semiconducteur (égal à Eg , Ed ou Ea , suivant son type), le courant d’obscurité varie dans la gamme utile comme:

k représente la constante de Boltzmann et T la température absolue. On doit donc abaisser la température du photoconducteur d’autant plus que son seuil est bas. Ainsi, on peut détecter la lumière visible à température ordinaire (k T = 0,025 eV), mais le germanium dopé à l’or, qui permet de détecter des photons de 0,15 eV (0 = 11 猪m), doit être refroidi à la température de l’azote liquide (à 77 K, k T = 0,0067 eV); le germanium dopé au zinc, qui permet de détecter des photons de 0,03 eV (0 = 40 猪m), doit être refroidi à l’aide de l’hélium liquide (à 4,2 K, k T = 3,6 憐 10 size=14 eV). Pour aller jusqu’aux longueurs d’onde de 0,2 mm, qui peuvent être atteintes avec InSb dopé, on doit descendre jusqu’à une température de l’ordre de 1 K (k T = 10 size=14 eV).

Un porteur de charge créé dans un semiconducteur possède une durée de vie finie qui, si elle est grande, augmente la réponse du système de détection de la lumière. En fait, ce phénomène est une gêne car la persistance des courants photoélectriques qui en résultent empêche la mesure des variations rapides des flux lumineux. À température ordinaire, la durée de vie des porteurs de charge dans les semiconducteurs descend rarement au-dessous de 10 size=16 s. Les jonctions n-p , jonctions entre un semiconducteur n et un semiconducteur p , présentent une résistance élevée lorsque la polarisation tend à faire passer le courant du côté n vers le côté p (polarisation inverse). La résistance est localisée dans une mince zone de transition entre la partie n et la partie p . Si la disposition géométrique permet d’éclairer la jonction, celle-ci, polarisée en inverse, se conduit comme une photorésistance. Les détecteurs fondés sur ce principe, appelés «photodiodes», permettent de mesurer des variations de flux lumineux qui s’effectuent en 10 size=19 s.

L’effet photovoltaïque

Dans une chaîne de conducteurs, un éclairement peut produire une force électromotrice; il y a alors conversion directe d’énergie lumineuse en énergie électrique. Cet effet, appelé effet photovoltaïque , a été découvert par Antoine Becquerel, dès 1839, avec une chaîne de conducteurs comportant des électrolytes. Cet effet ne prit de l’importance que beaucoup plus tard, avec l’apparition des cellules à couche d’arrêt utilisées dans les posemètres photographiques, et surtout avec les piles solaires. Le fonctionnement des générateurs photovoltaïques repose sur les propriétés des jonctions. Ces jonctions peuvent être du type p-n entre deux fragments d’un même semiconducteur dopés différemment, ou entre deux semiconducteurs différents (hétérojonctions). Les jonctions entre métal et semiconducteur, et mêmes des jonctions entre électrolytes, possèdent des propriétés analogues, mais les plus utilisées sont actuellement les jonctions p-n , et on exposera le principe des générateurs voltaïques en considérant une jonction entre deux semiconducteurs n et p possédant la même largeur de bande interdite Eg .

Lorsqu’une jonction est en équilibre à l’obscurité, les niveaux de Fermi, dans les parties n et p , sont alignés et les bandes de conduction et de valence se raccordent (fig. 4). Si la jonction est éclairée, la lumière absorbée par elle y crée des paires électrons-trous. Les électrons libres sont entraînés vers la partie n et les trous positifs vers la partie p . Pour utiliser le générateur, on raccorde les extrémités libres A et B des parties n et p des semiconducteurs à un circuit d’utilisation. Il s’établit entre A et B une différence de potentiel qui dépend de l’éclairement et du courant qui est admis par ce circuit. Cette différence de potentiel ne peut dépasser Eg /e , mais il est possible de grouper plusieurs jonctions en série. D’un autre côté, le courant créé par un flux de lumière apportant N photons par seconde ne peut dépasser Ne . La puissance électrique obtenue n’est qu’une partie de la puissance lumineuse reçue, elle ne peut dépasser ni même atteindre la limite NEg . En effet, tous les photons incidents ne sont pas absorbés dans la partie utile du dispositif. D’autre part, un photon d’énergie h 益 礪 Eg produit une énergie électrique au plus égale à Eg et un photon d’énergie h 益 麗 Eg ne produit aucune énergie électrique. Comme dans la lumière solaire, l’énergie des photons est répartie de zéro à l’infini avec un maximum qui se situe vers 2 eV; l’énergie utilisable est maximale lorsque Eg se situe entre 1 et 2 eV. Si, GaAs, CdS, CdSe répondent à cette condition. Enfin, les électrons libres et les trous produits ne parviennent pas tous aux circuits d’utilisation et une grande partie d’entre eux se recombine dans les parties n et p avec les trous et les électrons libres; il y a alors dissipation d’énergie sous forme de chaleur ou de lumière.

Ces trois phénomènes limitent le rendement énergétique d’un générateur photovoltaïque à quelques centièmes (le maximum théorique pour l’énergie solaire est de l’ordre de 0,12). La faiblesse du rendement ne constitue pas cependant une objection majeure à une utilisation industrielle, puisqu’il est possible, en multipliant la surface de captation, d’obtenir une énergie aussi grande qu’on le veut. La seule limitation est le prix de revient des cellules et l’encombrement de l’installation.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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